CLICANOO
le Journal de l'île de la Réunion


Radiesthéstiste-magnétiseur et fervent adepte de la médecine orientale,
Jérôme Dalleau exerce dans un champ d’activité qui suscite une certaine
suspicion de la communauté scientifique compte tenu de l’impressionnante concentration de charlatans qui gravite
autour de l’auberge espagnole de l’ésotérisme. Plus qu’ailleurs, en raison de
l’incroyable mélange de croyances qui la caractérise, la Réunion est en effet
le terrain de prédilection des guérisseurs, marabouts, voyants et autres diseuses de bonne aventure. Nous l’avons rencontré dans son cabinet, ainsi que des
patients qui ont eu recours à lui, pour tenter de comprendre un monde qui échappe, a priori, à notre tradition cartésienne.


Du sabre au pendule

L’ancien ouvrier agricole malade s’est reconverti dans la radiesthésie

Jérôme Dalleau Radiesthésiste 2002


Il est 10 h 30 lorsque Annick pénètre dans le cabinet. Robe légère bleue, foulard autour de la tête, les traits de cette jeune femme de 36 ans semblent tirés, le teint presque aussi pâle que les murs qui l’entourent, aussi pâle que le bleu de ses yeux où l’on peut lire par ailleurs une grande détermination. C’est semble-t-il sans appréhension qu’elle prend place dans l’antre du “radiesthésiste-magnétiseur-nutritionniste” comme il se qualifie lui-même, installé à Saint-Gilles-les-Bains dans une pièce aménagée du garage qui jouxte sa spacieuse maison pieds dans l’eau. Devant la jeune femme, un homme qui ne fait pas ses 77 ans, l’œil bleu pétillant derrière des lunettes à double foyer. Rien ne laisse penser que nous sommes dans un cabinet où l’on pratique une forme de thérapie qui donne de l’urticaire à la médecine traditionnelle, la radiesthésie médicale.
L’endroit est sobre, exempt de tout l’attirail ésotérique auxquels les clichés nous ont habitué : pas de gris-gris, d’icônes. Juste un bureau ainsi qu’une paillasse où le gramoun appose son “flux magnétique” sur les patients. Sur le mur, différents modèles de pendules sont exposés.
La main de la patiente repose maintenant sur le bureau. Jérôme, qui s’est saisi d’un de ses pendules, le fait doucement osciller. Il interroge l’état des “cinq saveurs” : amère, salée, aigre, sucrée, piquante afin de déterminer quel régime alimentaire est adapté à la malade. En fonction du verdict du pendule, le radiesthésiste va déterminer quel type de nutrition est selon lui propice au “ déblocage des énergies” circulant dans le corps d’Annick : galette de blé tartinée aux pommes cuites, tisane de gingembre, azuki… Rien de vraiment extraordinaire. Il note dans sa “feuille de soins” les directives à suivre.
Ce faisant, il tente d’expliquer sa démarche à la malade : “Il y a un refroidissement du plexus solaire, trop d’énergie négative à ce niveau, il faut donc apporter des aliments aptes à rétablir l’équilibre énergétique”, explique-t-il sérieusement à Annick, en poursuivant avec d’obscures explications….

MAGNÉTISME

Ce n’est qu’ensuite qu’il la fait s’allonger sur la paillasse pour procéder à l’imposition magnétique des mains. L’objectif : “Equilibrer la polarisation des organes internes malades”. Il se concentre, les paumes de ses mains sont à quelques centimètres du corps allongé. Il ferme les yeux, tente de transmettre son “flux”. Annick ne souffre pas d’une simple grippe, d’un virus bénin: elle est atteinte d’un cancer du sein, une maladie qui frappe trop souvent encore les femmes. Il y a six mois, elle a découvert une boule qui s’était formée sur son sein gauche, très vite diagnostiquée comme un cancer du sein. Après analyse, il s’est avéré que la tumeur qui la ronge est maligne. Impossible de procéder à l’ablation directement, il lui faut auparavant subir “de longues et pénibles séances de chimiothérapie” afin de réduire la tumeur. A 36 ans, cette mère de deux petites filles, de 3 et 5 ans, a pourtant la tête solidement ancrée sur les épaules, mais “c’est mon infirmière qui m’a conseillé de rendre visite à M. Dalleau, sa famille fait régulièrement appel à ses services”, explique-t-telle d’une douce voix en ajoutant “qu’elle ne perd rien à essayer.” “De toutes façon, je ne prendrai aucun risque et suivrai à la lettre les indications de mon médecin traitant”.
Jérôme ne lui promet d’ailleurs pas “une guérison certaine” mais, selon lui, “il n’est pas trop tard pour éradiquer le mal et sauver son sein de l’ablation.” En plus du régime qu’elle doit suivre à la lettre, il lui offre, compte tenu de ses modestes revenus, “les séances de magnétisme requises” les jours suivants.
“Très souvent, les malades viennent me voir lorsque la médecine traditionnelle s’est révélée impuissante. Le guérisseur est la solution de dernier recours alors que mon travail serait plus efficace s’il était effectué en amont.” En considérant la gravité de la maladie dont Annick souffre, les méthodes proposées par Jérôme Dalleau peuvent scandaliser. Trop de malades sont décédés pour avoir fait confiance aveuglément à des “sorciers”… Il affirme néanmoins obtenir des résultats probants.

DES TÉMOIGNAGES TROUBLANTS

Christine affirme ainsi qu’elle a consulté régulièrement le radiesthésiste, notamment “lorsque (sa) petite fille était atteinte de troubles respiratoires chroniques que les médicaments peinaient à éradiquer”. “Il a travaillé à distance sur un dessin que mon enfant avait réalisé et les maux se sont estompés en deux jours alors qu’elle traînait ces problèmes depuis plusieurs mois”.
Jean n’y croyait pas non plus, dit-il. Sujet à des crises d’hypertension, il suivait un traitement médicamenteux lourd. Il s’est donc résigné à rendre visite à Jérôme. Comme de coutume : régime draconien et séances de magnétisme. “Le résultats ne se sont pas fait attendre longtemps, j’ai aujourd’hui arrêté les médicaments et ma tension s’est stabilisée.”
Forte de cette réussite, la famille n’a pas hésité à consulter le magnétiseur lorsque la fille, victime d’atroces douleurs intestinales “s’aprêtait à passer sur le billard après consultation des médecins.” “Les mêmes techniques ont produit les mêmes résultats en deux semaines, il n’a pas été nécessaire qu’elle subisse une opération.”
Quant à Véronique, souffrant de problèmes de fécondité suite à un dysfonctionnement de la vessie, son récit est pour le moins surprenant : “Avec mon mari, cela faisait presque deux ans que nous tentions d’avoir un bébé, j’avais tout essayé. Une amie m’a parlé de la radiesthésie médicale pratiquée par M. Dalleau et je suis allé le voir. J’étais enceinte quatre mois plus tard…”
Evidemment, impossible vérifier la réalité et la portée des “guérisons” décrites. De même, la grande diversité de l’horizon socioprofessionnel des personnes qui ont eu recours aux services de M. Dalleau — ecclésiastique, avocat, ouvrier, infirmière, médecin… — ne suffit pas à cautionner, quelle que soit leur qualité, les succès énumérés. Il s’agit de Monsieur et madame tout-le-monde, confrontés à un moment de leur vie à un problème médical auquel ils ne trouvent pas d’issue. Ce qui peut expliquer leur recours à un guérisseur. La théorie sur laquelle Jérôme Dalleau s’appuie tire ses origines de la médecine orientale, un savoir qu’on dit millénaire dont les grand principes se basent sur la “circulation des énergies”. Dans ce schéma, le processus de vie n’est qu’un réseau énergétique qui ne cesse de véhiculer “de la terre au ciel et du ciel à la terre”, comprenez “de la tête aux pieds et vice-versa.” Ces flux traversent notre organisme au moyen de sept portes, correspondants aux sept chakras que nous portons tous en nous. Ils sont situés le long de notre corps : tout en bas, on trouve le chakra du coccygène tandis que perché au sommet, se tient le chakra du soleil (cerveau). Au milieu, siège un chakra charnière englobant le plexus solaire, l’estomac, la rate et la pancréas. Point de péage central du flux énergétique.

UN PEU DE THÉORIE

Suivant cette théorie, la maladie n’est que l’expression d’un bouchon dans la circulation de ce flux. En clair, un ou plusieurs chakras se trouvent fermés pour diverses raisons. La thérapie consisterait alors à rouvrir les chakras obstrués. La circulation d’énergie, outre le processus de vie, détermine également les objet inanimés. Autre notion capitale de médecine naturelle chinoise, celle du yin et du yang. Equilibre fondamental et condition nécessaire à la circulation des énergies. L’organe malade souffre d’un déséquilibre. Donc, l’énergie ne passe pas. Donc le chakra correspondant se retrouve fermé. Les différents aliments possèdent des charges yin et des charges yang. La diététique prescrite par Jérôme Dalleau utilise ces aliments qui, en fonction de leur “charge”, rétablissent l’équilibre nécessaire au flux continue d’énergie. L’objet du magnétisme se fonde sur des bases identiques, selon lui. Le principal est sans doute de trouver son bonheur dans ces théories… et d’y croire le plus possible, commentent les sceptiques.

De violentes crises d’asthme

A priori, rien ne prédisposait Jérôme Dalleau à devenir guérisseur si ce n’est un état de santé déplorable dès l’enfance et qui l’a suivi durent toute sa vie d’adulte. Marmaille d’une fratrie de sept enfants, originaire d’une famille très modeste, Jean naît en 1927 à Sainte-Anne . Son père décède lorsqu’il a dix mois et sa mère se retrouve seule pour élever ses enfants. Dès deux ans, les médecins diagnostiquent chez lui “un asthme très lourd” qui le cloue régulièrement au lit durant de longues périodes. Ayant quitté l’école à douze ans, il dispose d’un faible niveau scolaire. Malgré son handicap, il commence dès lors à travailler dur dans les champs d’une Réunion d’autrefois principalement rurale. “J’ai travaillé en tant qu’ouvrier agricole dans toutes sortes d’exploitations : canne à sucre, manioc, maïs…”
Le dur labeur est toujours émaillé de violentes crises d’asthme qui le cloîtrent dans sa chambre. A 25 ans, las du travail physique, il se rend à Paris pour apprendre la coiffure. Très vite, il monte un salon à son nom, sur Saint-Denis. Mais la maladie le taraude, mine son quotidien. “Je n’en pouvais plus, il fallait que je trouve quelque chose sans quoi j’allais devenir fou.” Chaque année, il se rend à Paris pour des raisons professionnelles et c’est lors d’une de ces visites métropolitaines, en 1966, qu’il tombe sur un ouvrage de médecine naturelle chinoise et se plonge dans sa lecture. Il change alors radicalement son mode d’alimentation : il exclut de son régime les protéines carnées ainsi que les laitages. “Ma vie s’est trouvée transformée en à peine deux semaines, jusqu’au jour d’aujourd’hui, je n’ai plus souffert d’une seule crise d’asthme.” De fil en aiguille, il fréquente les magasins spécialisés et c’est un avocat parisien qui lui fait découvrir les techniques de radiesthésie pendulaire. “L’apprentissage a été très long et le erreurs nombreuses, j’ai beaucoup étudié en prenant par ailleurs une dizaine de cours.” Entre-temps, il s’initie au yoga et deviendra le pionnier sur l’île en la matière. Il fera figure de précurseur en enseignant la discipline sur l’île. Une activité qu’il exercera dix années durant. En 1976, il ferme son cabinet et se consacre exclusivement à ses activités de radiesthésiste. Vivant confortablement, il affirme qu’il “n’exerce pas pour l’argent mais simplement pour transmettre le service qu’on (lui) a jadis rendu en le libérant de (son) affliction.”
Dans la pratique de ses consultations courantes, “le pendule sert de diagnostic pour déterminer quels sont les organes malades, les chakras obstrués”, c’est le régime adapté aux besoins de chaque individu qui va réellement agir et être renforcé par d’éventuelles séances de magnétisme.
L’homme et son activité évoquent des sentiments mitigés. Difficile de déterminer ce qui relève du fantasme, de l’effet placebo et de la réelle efficacité de la thérapeutique proposées par Jérôme Dalleau. Toujours est-il qu’on peut cependant dégager certains arguments en forme d’idée-force : de nombreux témoignages qui semblent sincères accréditent la thèse d’un certain succès dans le traitement prodigué.
La thérapie prescrite, même si elle s’avère inefficace, n’est pas dangereuse et ne s’oppose pas à la médecine traditionnelle. Les chercheurs du CNRS s’intéressent par ailleurs de plus en plus à la médecine chinoise, beaucoup plus “expérimentale” mais dont on déclare volontiers qu’elle ne s’attaque non pas simplement aux symptômes mais aux causes profondes des maux. Rationaliste ou avant-gardiste, à chacun d’en tirer ses propres conclusions.

Loïc Ton-That


Hé... Mick, c'est qui ?.


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Vu : 07/10/2002